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CROISIÈRE  

Te souviens-tu 

De ces marins

Sur leur pointu

Fuyant le grain ?

C'est de Marseille

Qu'on appareille.

 

La nuit nous prend

Et tu t'endors,

Puis te surprend

Le soleil d'or.

Regarde–moi.

Ô, ton émoi.

 

La mer étale

À l'horizon,

Ligne d'opale

Sans un frisson,

Le rêve encore,

Loin du Bosphore.

 

CE PAYS D’OÙ JE VIENS

D’abord un ciel d’azur et puis quelque nuage

Passant, deux, trois éclairs, et tout à coup l’orage

Sur un grand champ de blé, après le pâturage

C’est au pays du Chat botté et de l’image

 

 

Plus loin, du bois dormant où la belle sommeille

Sort un lapin farceur qu’une Alice réveille

Et m’invite à la suivre entre conte et merveille

Quand l’oiseau met le loup avec le lion en cage

 

 

C’est un pays charmant où la nuit vaut le jour

Grimant les peurs d’enfant en sentiments d’amour,

De joie tranquille aussi et d’ombres tout autour

Avec des reflets bleu, et du mauve, et du rose

 

 

Ce pays est le mien, celui que je fréquente

Celui qui me nourrit, qui m’abrite et me tente

Ou tout bonheur se trouve et se donne et m’enchante

C’est le pays refuge où vit l’imaginaire

Dans lequel je renais sans cesse à sa lumière

Mon pays…Mon enfance

 

La cigale et la fourmi

(Sur une (mauvaise) idée de Jean de La Fontaine, lequel l’avait piquée à Esope)

 

La fourmi, ayant turbiné tout l’été

Se trouva fort dépourvue

Quand, octobre enfin venu,

Les impôts se sont pointés.

Elle alla, l’humeur chagrine

Chez la cigale, sa copine :

Dis, t’as vu ce qu’on m’annonce,

Y pouss’nt  grand’mèr’ dans les ronces.

Faudrait pas exagérer

Sinon j’pars à l’étranger.

Elle en avait pour tout vous dire

Ras la casquette et même pire

De s’épuiser dans son boulot,

Et payer toujours plus d’impôts.

Midi sonnait.

L’autre dormait.

La cigale, à ces cris, s’éveilla tout entière.

(Depuis longtemps, elle se couchait de bonne heure !)

Elle répondit sans manière :

A l’étranger, tiens donc, pourquoi ?

Chante ou danse, fait comme moi

Fait l’acteur, devient cigale,

Que ta vie au cirque prévale !

Quelques contrats de-ci, de-là

Puis un repos bien compensé

Auront raison de cet orage

Qu’artiste on ne voit pas passer,

Car d’intermittence en  pagaille,

L’Etat nous la fait couler douce,

Payant nos frasques et ripailles

Sans jamais lever le pouce

Pour garder sous la main une armée d’histrions

Acquis à leur vision du grand bonheur total

Allant, bon an, mal an, formater l’opinion.

(Panem et circenses, ainsi dit Juvénal)

D’impôts, nous n’en payons plus guère

Ne recevant que des prébendes

Qui nous font, quelle misère

Si apparemment pauv’r’ que nous ne pouvons rendre.

Nous vivons bien de vous distraire

Et souvent, je l’avoue, bien mieux  de ne rien faire.

A ces mots, la fourmi lentement se remonte

Et découvre qu’à ce jeu là

Travailler peu, quelle honte

S’amuser même, pourquoi pas

Vaut bien qu’on se ridiculise,

Qu’on se vende, qu’on se dédise

D’être probe et vertueux

Si le bonheur est sous ces cieux.

La fourmi, joyeuse et  (pourtant) cocue

Jura, mais un peu tard,

Qu’après tout, foutue pour foutue,

Aller chanter à l’Alcazar

Serait, loin de toute aventure

Sa nouvelle sinécure.

Moralité :

Travailler n’est pas joué

Quand les dés sont pipés.

Mieux vaut jouer que travailler.

 

Paul STEIGER (14.10.2013)

Note de l’auteur : J’essaierai de faire mieux la prochaine fois. Pardon pour le côté « populaire »de cette écriture, mais n’est-ce pas de cette manière que la fable (ou la triste vérité) aussi se répand ?

 

 

COMPARTIMENT BONHEUR

 

Elle et moi, mon cœur

En rase campagne le train à l'arrêt

Et moi réveillé que le sommeil gagne

Elle et moi, rêveur

Ô; ma nymphe

Te contempler dormir

L'Asie lointaine est en toi

Dans le cillement de tes yeux

Fente infinie et sombre

Ô ma nymphe

Te contempler dormir

Se souvenir se souvenir

Un hôtel victorien

 En pleine chaleur

Le bain des éléphants

Les rizières labourées

Ô ma nymphe

Les avions ronflants et ton rêve

Voler

Se souvenir se souvenir

Une chambre trop grande

Et ce ventilateur

Au dessus de nos têtes

Qui ronronne et s'arrête

Moiteur moiteur

Des mots un regard

Le train qui repart

Ô ma nymphe

L'Asie lointaine me revient

Lunaire

Comme un désir d'enfant

Toi voler

Et moi voleur

Ô ma nymphe

Te contempler dormir

Et repartir.

 

Tu me dis...

 

Tu me dis qu’un bateau doit vivre

 

Sur l’eau pour être un vrai bateau

 

Qu’un vagabond doit se taire

 

Pour  être un vrai vagabond

 

Qu’un géant décroche la lune

 

Si les enfants le demandent

 

Tu me dis qu’une île est île

 

Quand elle est, couleur de jade

 

Entourée d’eau

 

Tu me dis que le soir est calme

 

Beauté Volupté si on aime

 

Tu ne me dis rien des souffrances

Rien des inquiétudes

Rien de toi

Parle

 

 

 

Allégorie

 

O ma damnée, ma cathédrale

Romane en son secret mystère

Où l’âme heureuse est infernale

Qui m’aveugle et me désespère

 

Ô ma damnée, ma cathédrale

Confuse à mes sens éblouis

Sainte toujours et bacchanale

De mon ivresse où je t’enfouis

 

Ô ma damnée, ma cathédrale

Mon diable au corps à corps déjà

Quand le cœur tout à coup s’emballe

Et que l’esprit marque le pas

 

Ô ma damnée, ma cathédrale

Mon vibrato, ma résonance

Mon envie fougueuse, animale

Mon soupir enfin, mon silence

 

Ô ma damnée, ma cathédrale

Je te salis, je te salue

Marie, Mon Tout, ma vespérale

Odeur de souffre et de peau nue

 

Ô ma damnée, ma cathédrale

Ton pardon pour une heure encore

La dernière, la capitale

Blasphématoire : je t’adore

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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