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Le Mola

  • Photo du rédacteur: Paul Steiger
    Paul Steiger
  • 30 oct. 2011
  • 3 min de lecture

De petits spasmes l'avaient repris, en même temps que ses yeux se baignaient de sel et le piquaient, sans plus que des larmes viennent. Son regard ne quittait plus la veilleuse orange au dessus de la porte, comme si cette lumière étrange et mouillée était l'apparence qu'Elle devait maintenant avoir pour être là, à ses côtés, parce qu'Elle l'avait juré à la mort avant qu'il ne l'emmenât avec lui.

Sur le drap qui couvrait sa poitrine, il avait étendu, en le lissant de ses mains pour y sentir les broderies et les creux, le mola qu'on avait tiré de ses affaires et qu'on avait posé près de lui pendant son coma.


Lorsqu’il s'était réveillé, la première sensation qu'il avait ressentie était, sur sa joue, la douce rugosité des fils tenant l'ouvrage. Elle lui était si familière qu'elle l'avait de suite rassuré. Il s'était cependant étonné de ne pas sentir sous le tissu la chaleur moite qu'Elle dégageait de son corps et qui finissait toujours par l'endormir.

Cette absence, et les douleurs qui, de partout, le torturaient, l'avaient ramené à l'heure présente. Alors qu'un voile se levait de ses yeux déjà ouverts, il avait d'abord distingué petit à petit le plafond lézardé de la chambre au dessus de sa tête. Le vert sale de ses murs, le lit gris à barreaux et la perfusion qui traversait la peau de son bras ne laissaient pas place au doute. Il devait être quelque part dans une de ses infirmeries de brousse comme il en avait tant vu dans sa vie de baroudeur.

Il s'était demandé ce qu'il y faisait, aucun souvenir ne lui étant encore venu qui expliquât comment il avait atterri ici, dans cet état de souffrance, avec un tuyau qui le reliait à ce bocal suspendu à son côté. Il avait ramené à lui le mola et l'avait palpé entre ses doigts pour s'imprégner d'Elle et tenter de s'assoupir, mais la magie n'avait pas opéré.

Son esprit aussi peu à peu se réveillait, ramenant d'Elle son image, attentive à coudre, le visage concentré, donnant aux formes qu'Elle dessinait la volupté de ses pensées les plus secrètes. Rien d'autre ne transparaissait alors de son œuvre qu'un labyrinthe où il faisait bon se perdre, car il était Elle et Elle seule.


Elle, la petite lueur orange, de cet orange qui colorait son chemin sur le corsage, entre ces traits noirs traçant sûrement le dédale de sa vie.

Une respiration plus forte le déchira brutalement, malgré les bandes de contention qui enveloppaient ses côtes fracturées. La réalité venait une nouvelle fois de se rappeler à lui. Il s'agrippa désespérément à l'étoffe pour ne pas glisser dans ce gouffre d'horreur dans lequel les infirmiers l'avaient jetés hier, quand ils avaient raconté son accident.

Peu lui importaient ses blessures et qu'il ait failli mourir. Peu lui importait son voilier brisé et coulé par grand fond, peu lui importait sa chance extrême d'avoir été sauvé. Peu lui importait que Dieu fût grand pour lui, s'il ne l'avait été pour Elle. Elle n'était plus que cette petite lumière au-dessus de la porte et ses larmes infinies la noyaient une seconde fois.


Pour ne pas hurler sa peine, il prit le mola machinalement roulé et le porta à ses lèvres, puis il le mordit de toutes ses forces rassemblées, bâillonnant sa bouche, faisant taire sa douleur afin de la garder intacte, incandescente au fond de son cœur. Le goût d'amertume que l'eau de mer avait laissé dans les fibres ajouta à son désespoir. Il s'abandonna et laissa un râle s'échapper de lui.

Confusément, il se mit à penser qu'Elle n'aurait pas aimé le voir ainsi, qu'il était son Dieu et qu'il pouvait tout parce qu'il était fort, plus fort que tous les autres. Elle disait qu'elle croyait en lui et que cela Lui donnait une force pareille à la sienne, qu'Elle le suivrait où qu'il aille maintenant, qu’Elle sentait cette puissance en elle, comme si celle-ci était passée de l'un à l'autre.

Ce souvenir le calma soudainement. Il se convainquit qu'Elle était sa force et qu'il la croirait jusqu'à la mort, puisque tel avait été le pacte qu'ils avaient conclu. Avec le mola, il se couvrit la figure et ferma les yeux. La lueur orange était toujours présente quand il s'endormit.




 
 
 

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