Un confident
Il l’avait regardé sans rien dire, longtemps. Convenant enfin qu’il avait là un auditeur attentif tant celui-ci se taisait, il lui caressa d’abord le col d’un doigt distrait, hésitant, puis enfin, il se décida.
Il commença petitement, par bribes, bredouillant quelque histoire enfantine dont il se disait le héros, quand tout d’un coup il s’arrêta, soupçonneux, le sourcil dressé, attendant une réaction qui ne vint pas.
De plus belle, Il reprit son discours, haussant le ton, le fixant de ses yeux écarquillés, avec cette pensée, pour mieux convaincre, de peut-être l’hypnotiser. Il se rapprocha même jusqu’à le toucher de sa joue, comme s’il fut un vieil ami, beaucoup plus qu’une simple connaissance, continuant sa logorrhée d’une voix devenue pâteuse, maudissant cette Colette qui lui voulait du mal et dont il avait, depuis si longtemps, à se plaindre.
Ah ! Ce bonheur enfin de pouvoir tout dire, de déverser sa bile sans retenue, de confier aveuglément ses peines à qui se satisfaisait de seulement l’entendre. Une larme lui vint qu’il essuya du revers de la main, distraitement, parlant encore.
Il était maintenant tout fiel, en confiance, à imaginer des projets de vengeance.
Ce disant, parce que de sa main, il l’avait tenu sans le lâcher pendant sa confession, s’y accrochant de peur qu’ils ne se quittent, il avait resserré autour de lui ses doigts noueux et pitoyables, de frêles doigts qui n’auraient fait de mal à personne.
En tremblant, il avait porté le pot à sa bouche. D’un trait, il avait bu la bière.
Reposant sans douceur l’ustensile sur la table, il l’avait toisé, s’étonnant de cette vérité qui venait de lui traverser l’esprit.
Partant d’un rire gras et sonore, il s’était esclaffé :
— T’en fous, toi, hein ? T’as rien entendu. T’es sourd comme un pot, pas vrai ?
Aucune réponse ne lui venant, il avait croisé ses bras sur la table à la manière d’un petit enfant sage, puis il avait posé dessus sa tête et fermé les yeux.