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Le monde que j’aime…

Ah, la délicatesse de ce petit nez !

Eût-il été plus long que la face du monde en aurait été changée.

Je ne sais pas. C’est une chose bien étrange que cet appendice au milieu de la figure, posé là comme l’épicentre de toute humeur, un giratoire à émotions, lesquelles tournent autour, se montrent et se meuvent, l’exutoire reniflant de sentiments humides, l’index péremptoire et altier de prétentions à être, montrant au regard la direction d’ineffables horizons.

Ah, la délicatesse de ce petit nez !

Il ne désigne rien, ne prétend rien, n’est le cœur de rien. Si discret qu’il existe à peine, ne seraient ses narines, rondes comme deux baies sucrées, qui parfois se gonflent, exultent, et palpitent. Il dit alors tout seul les choses, ne s’offusquant pas des paupières abaissées qui se taisent. Et ce silence, frémissant, devient poésie tout entier, sidérant l’auditoire sourd d’indicibles battements.

Ah, la délicatesse de ce petit nez !

Un charme fou… une espérance, un indice. Si petit qu’il faut le croire, s’attarder, et le bien voir, l’observer, s’interroger, découvrir alentour tout ce qu’un nez, un simple petit nez peut rassembler de ce qui trouble. Maintenant, je sais.

S’il n’eût été ce petit nez, la face du monde, pour me séduire, aurait manqué.


3.6.2013 Paul STEIGER

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