Zola…et moi.
La cuisine de Rosalie était envahie par les branches des ormeaux. Elle arrachait des feuilles avec la main, elle vivait dans la joie de ce colossal bouquet, au fond duquel elle n’apercevait plus rien. (Zola, une page d’amour.1878 Ch. IV)
Etrangement, ce paravent végétal l’abritait d’autres émotions, plus anciennes, et qu’elle ne souhaitait pas subir dans sa tâche. Une page s’était tournée quand elle avait pris le train qui l’amenait à Paris. Elle avait pleuré tout le voyage d’avoir quitté les pommiers de son enfance, et ses vaches aussi, abandonnées au milieu des pâtures.
La veille de son départ, elle avait passé toute la journée à s’imprégner des images du potager, de ces rangs de légume que son père traçait, et que, à longueur de temps, sa mère sarclait, et binait, poursuivant la mauvaise herbe.
On l’avait prévenue : ces rangs-là n’étaient que de maisons à Paris, pas de ces maisons basses, de bois et de pisé comme l’était la ferme, mais de ces maisons hautes comme les ruines du vieux château, de l’autre côté de la rivière. Et cette trouée que faisait la rivière dans le bocage, il n’y en avait point d’autre à Paris que celle de la Seine, si large et si profonde qu’un gué aux bestiaux n’aurait pas suffi.
Tous ces gens disaient vrais, le juraient, et elle, petite campagnarde sauvageonne, rêvait de ce décor minéral qu’on lui dépeignait, pensant que, comme ici celui de l’abbaye, il abritait des trésors.
C’est pourquoi le jardin, si beau qu’il fût, était une vue trop pénible à son esprit, car elle n’avait de cesse d’y perdre son regard et son âme, retrouvant dans les verts qui en dégoulinaient, ce je-ne-sais-quoi d’un décor matriciel et rassurant, pareil à celui qui l’avait vu naitre, et qui n’était pas ici.