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Une rencontre improbable

Jusqu’à ce jour d’avril, rien n’aurait pu laisser croire qu’elle eût fait cette rencontre. Avec courage, elle se réfugia dans la croyance Il y eut cet accident qui éveilla les soupçons, puis le mort qui s’ensuivit, et cette douleur dont elle ne put ne défaire. Depuis, les langues s’étaient déliées. Avec les histoires qui se colportaient, toute son existence en fut refaite. On crut se souvenir que, très tôt, la guigne la marqua, et que cet incendie qui la défigura s’ajouta à d’autres malheurs. Plus jamais, elle n’eut d’amoureux, elle que toutes les femmes jalousaient, tant sa beauté faisait tourner les cœurs.

Avec courage, elle se réfugia dans la croyance de Dieu, demanda pardon de tous ses péchés et le servit tout ce temps sans peine, avec l’humilité qui convenait, donnant aux pauvres ce qu’elle avait d’amour et de compassion. Elle n’était point de ces dévotes qui masquent l’acariâtre d’une vie ratée dans la génuflexion, céroféraires de grands cierges en guise de châtiment. Elle allait son chemin de croix, se consacrant toute entière à son pieux service de mille et une manière. Pourtant, tous, et toutes surtout qui piaillaient fort admirent s’en être méfiée, car, dirent-elles après ce jour tragique, la sorcière n’avait pas toute brûlée.

C’est aussi dire que personne ne fut surpris de la trouver là, dans cet abandon qu’elle avait fait d’elle, blessée par l’écroulement du toit, avec, à son côté, à demi-nu, le plus beau des garçons du village, suffoquant, grimaçant, tandis que, sous l’écrasement de la poutre, la mort lui venait. On savait les soins qu’elle lui donnait parfois, car il souffrait de l’asthme. On n’avait pas pensé qu’ils fussent aussi ceux du péché et de la chair.

— Le diable, elle a rencontré le diable. Ce ne peut être que lui qui l’habite. Pensez-donc.

Cette nouvelle traversa les rues, s’ancra dans les maisons. Avec les marchands, elle courut le pays, isola le village. Alors qu’elle, remise de l’accident, plus bouleversée que jamais, reprenait dans la sainteté ses bons offices, on la chassa de l’église, puis hors les bans, on la fit fuir en forêt.

Aussi, se crut-elle possédée. N’ayant plus l’espérance de Dieu, elle laissa au pied d’un arbre ce message qu’un bucheron trouva : nous nous aimions. N’ayez plus peur. Le diable n’est plus.

Au-dessus de l’homme, ce qui restait d’un corps pendait à une corde.

Et tous, dans le village, hommes comme femmes, car tous avaient des vérités à craindre, sans un remords et sans honte, pour dormir enfin tranquille, donnèrent foi à l’aveu de la morte.


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