L’automne ?
Veux-tu que je te dise ? Il m’est un grand bonheur quand, l’aube grise encore, je vais par les chemins humer l’air de l’automne.
Des odeurs, toute entière, envahissent ma tête. Naissent alors de ces éthers que je respire mille images peuplées de trolls, de farfadets et d’elfes que la brume toujours cache. Ce monde-là, muet, fait son remue-ménage des feuilles tombées à terre, et ces senteurs d’humus, seules, marquent leur présence. Certains, dans le sous-bois, plus agités, s’affolent, bottant d’innocents champignons qui s’exhalent, et me revient le souvenir de ces retours de chasse, toujours bredouille, et de l’omelette aux cèpes dorant au feu de la cheminée, consolatrice.
Lorsque celui-là, ou bien d’autres aussi doux me réchauffent, je fais halte. Dilatant au vent mes narines, j’aspire l’air humide tout chargé des fumées campagnardes qui s’y dissimulent, et dans le silence mouillé du matin, je feins d’entendre l’homme se lever, enfilant ses sabots en raclant le sol. Je l’entrevois s’affairer, tisonner l’âtre, et raviver les flammes sans plus d’empressement que n’en porte la saison calme, avant l’endormissement de l’hiver.
Vois-tu, ce bonheur-là est tout le bonheur de me sentir vivre, et ce partage que je voudrais en faire est une chose bien difficile, quand tous redoutent le temps d’automne, si propice aussi à pleurer ses morts.